[Rougon-Macquart-01] La Fortune des Rougon by Zola Emile

[Rougon-Macquart-01] La Fortune des Rougon by Zola Emile

Auteur:Zola,Emile
La langue: fr
Format: mobi
Tags: Roman
ISBN: 9782253161189
Éditeur: AlexandriZ
Publié: 1871-01-26T16:43:33+00:00


VI

Rougon, vers cinq heures du matin, osa enfin sortir de chez sa mère. La vieille s’était endormie sur une chaise. Il s’aventura doucement jusqu’au bout de l’impasse Saint-Mittre. Pas un bruit, pas une ombre. Il poussa jusqu’à la porte de Rome. Le trou de la porte, ouverte à deux battants, béante, s’enfonçait dans le noir de la ville endormie. Plassans dormait à poings fermés, sans paraître se douter de l’imprudence énorme qu’il commettait en dormant ainsi les portes ouvertes. On eût dit une cité morte. Rougon, prenant confiance, s’engagea dans la rue de Nice. Il surveillait de loin les coins des ruelles ; il frissonnait, à chaque creux de porte, croyant toujours voir une bande d’insurgés lui sauter aux épaules. Mais il arriva au cours Sauvaire sans mésaventure. Décidément, les insurgés s’étaient évanouis dans les ténèbres, comme un cauchemar.

Alors Pierre s’arrêta un instant sur le trottoir désert. Il poussa un gros soupir de soulagement et de triomphe. Ces gueux de républicains lui abandonnaient donc Plassans. La ville lui appartenait, à cette heure : elle dormait comme une sotte ; elle était là, noire et paisible, muette et confiante, et il n’avait qu’à étendre la main pour la prendre. Cette courte halte, ce regard d’homme supérieur jeté sur le sommeil de toute une sous-préfecture, lui causèrent des jouissances ineffables. Il resta là, croisant les bras, prenant, seul dans la nuit, une pose de grand capitaine à la veille d’une victoire. Au loin, il n’entendait que le chant des fontaines du cours, dont les filets d’eau sonores tombaient dans les bassins.

Puis des inquiétudes lui vinrent. Si, par malheur, on avait fait l’Empire sans lui ! si les Sicardot, les Garçonnet, les Peirotte, au lieu d’être arrêtés et emmenés par la bande insurrectionnelle, l’avaient jetée tout entière dans les prisons de la ville ! Il eut une sueur froide, il se remit en marche, espérant que Félicité lui donnerait des renseignements exacts. Il avançait plus rapidement, filant le long des maisons de la rue de la Banne, lorsqu’un spectacle étrange, qu’il aperçut en levant la tête, le cloua net sur le pavé. Une des fenêtres du salon jaune était vivement éclairée, et, dans la lueur, une forme noire qu’il reconnut pour être sa femme, se penchait, agitait les bras d’une façon désespérée. Il s’interrogeait, ne comprenait pas, effrayé, lorsqu’un objet dur vint rebondir sur le trottoir, à ses pieds. Félicité lui jetait la clef du hangar, où il avait caché une réserve de fusils. Cette clef signifiait clairement qu’il fallait prendre les armes. Il rebroussa chemin, ne s’expliquant pas pourquoi sa femme l’avait empêché de monter, s’imaginant des choses terribles.

Il alla droit chez Roudier, qu’il trouva debout, prêt à marcher, mais dans une ignorance complète des événements de la nuit. Roudier demeurait à l’extrémité de la ville neuve, au fond d’un désert où le passage des insurgés n’avait envoyé aucun écho. Pierre lui proposa d’aller chercher Granoux, dont la maison faisait un angle de la place des Récollets, et sous les fenêtres duquel la bande avait dû passer.



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